vendredi 23 octobre 2015

Bukowski poète, la neige d'Italie

la neige d’Italie


de ma radio maintenant
provient un son d’orgue vraiment dément,
je vois d’ici un moine quelconque
soûl dans une cave
la tête perdue ou trouvée,
parlant à Dieu d’une façon différente ;
je vois des chandelles et cet homme a une barbe rousse
comme Dieu a une barbe rousse ;
il neige, c’est l’Italie, il fait froid
le pain est dur
il n’y a pas de beurre,
que du vin
du vin dans des bouteilles pourpres
à col de girafe,
et maintenant l’orgue s’élève, à nouveau,
il le violente,
il en joue comme un dément,
il y a du sang et de la bave dans sa barbe,
il a envie de rire mais il n’a pas le temps,
le soleil va disparaître,
puis ses doigts ralentissent,
maintenant viennent l’épuisement et le rêve,
oui, la sainteté même,
l’homme va à l’homme,
à la montagne, l’éléphant, l’étoile,
une chandelle tombe
mais continue de brûler sur le côté,
une flaque de cire brille dans les yeux
de mon moine roux,
il y a de la mousse sur les murs
la tache de la pensée et l’échec et
l’attente,
puis à nouveau la musique arrive comme un tigre affamé,
et il rit,
c’est un rire d’enfant, le rire d’un idiot,
ne riant de rien,
le seul rire qui comprend,
il maintient les touches
comme s’il arrêtait tout
et la pièce s’épanouit avec folie,
puis il arrête, arrête,
assis, les chandelles brûlant,
une en haut, l’autre en bas,
la neige d’Italie est tout ce qu’il reste,
c’est fini : l’essence et le motif.
je le regarde
moucher les chandelles avec ses doigts,
grimacer à l’extrême coin de chaque œil
la pièce est obscure
comme tout l’a toujours été.


Copyright Yves Sarda pour la traduction française 

2 commentaires:

  1. Monsieur Duval bonjour. J'ai eu l'occasion de lire votre livre "Buk et les Beats" en 2002. Un étudiant beaucoup plus âgé que nous me l'apporta un jour. Nous nous le refilions avec grand plaisir dans notre résidence universitaire. Je suis content de voir le destin de cette oeuvre qui méritait cette lumière. Je suis cependant peiné et même scandalisé que personne n'agrémente de commentaire ces poèmes de Bukowski. Moi je peux comprendre aisément. Mais Bukowski, les bras vous en tombent. Humor, guts and poetry. Un lecteur d'espagne.

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  2. Merci pour votre commentaire ! Le plus important est de pouvoir donner ces traductions françaises de Sarda à lire, et de patienter une cinquantaine d'années, quand l'œuvre de Bukowski tombera dans le domaine public: peut-être seront-elles enfin publiées?

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