mardi 24 novembre 2015

Bukowski poète, sans yeux dans l'espace

sans yeux dans l’espace

ça ne sert plus à rien, pauvre pomme, ils ont
éteint les lumières, ils ont
bloqué la porte de sortie
et
celle de l’entrée est en feu ;
personne ne connaît ton nom ;
là-bas à l’opéra ils jouent aux
dames ;
les fontaines de la ville pissent
du sang ;
les extrémités sont calibrées
et
ils ont pendu le meilleur
coiffeur ;
les âmes bornées ont fait leur ascension ;
les âmes en carton sourient ;                     
l’amour du crottin est unanime ;
ça ne sert plus à rien, pauvre pomme, les
tombes se sont vidées et déversées sur les
vivants ;
dernier égale premier,
perdu égale tout ;
les chiens géants font leur deuil en rêvant
de pissenlits ;
les panthères se réjouissent des cages ;
le cœur oignon est glacé,
le destin est démuni,
les klaxons de la raison sont assourdis alors que
le rire des imbéciles fait le blocus de l’air ;
les champions sont morts
et
les nouveau-nés sont frappés ;
les jets long-courriers vomissent les sans yeux dans
l’espace ;   
ça ne sert plus à rien, pauvre pomme, ça a
tendu vers ça
depuis le début
et maintenant
c’est là
et tu ne peux pas le toucher le sentir le voir
parce qu’il n’y a rien nulle part où que
tu lèves ou baisses les yeux te tournes t’assoies ou restes debout
tu dormes ou tu coures,
ça ne sert plus à rien, pauvre pomme.
ça ne sert plus à rien
pauvre pomme pomme pomme
et
si tu ne le sais pas déjà
je n’en suis pas surpris
et
si tu le sais, pauvre pomme, bonne
chance
dans le noir
qui ne mène nulle part.


Copyright Yves Sarda pour la traduction française 

2 commentaires:

  1. implacable et bouleversant ligne après ligne jusqu''à ce

    "dans le noir
    qui ne mène nulle part"

    merci

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  2. Grand merci pour votre commentaire. C'est aussi Yves Sarda qu'il faut remercier (et je le remercie ici moi-même), seul traducteur français à rendre justice aux poèmes de Bukowski, et à les rendre dans toute leur force d'expression.

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