Mon « BREF APERÇU DES ÂGES DE LA VIE » (Michalon, mai 2017) fait l'objet d'un excellent papier de Jean-Michel Olivier (prix Interallié 2010 pour son roman «L'Amour nègre») qu'il publie sur son blog littéraire http://jmolivier.blog.tdg.ch
On peut le lire ci-dessous :
(Je n'apporterai qu'une seule précision pour éviter toute ambiguïté : certes né dans la ville de Calvin (où ma famille a filé en 1555, s'exilant de Rouen et de la France à l'époque du Premier Refuge), je ne porte du protestantisme que l'étiquette... Chacun de nous, selon moi, ne formant rien de plus qu'une «boule de croyances» (ce qui est dit et réaffirmé dans «Bref aperçu des âges de la vie»).
La route et le jardin (Jean-François Duval)
par Jean-Michel Olivier
Il y a plus de trente ans que Jean-François Duval (né à Genève
en 1947) est sur la route. La route accidentée et fraternelle de Kerouac, sur
qui il a beaucoup écrit. La route de Bukowski, également, qu'il a longtemps
fréquenté. Il fait partie de la génération des Beats pour qui le monde
est un jardin toujours à découvrir, toujours à explorer.
Cette route et ce jardin, on les retrouve dans le dernier livre
de Jean-François Duval, Bref aperçu des âges de la
vie*, qui est à la fois une philosophie de la sagesse (un pléonasme
?) et une leçon de vie. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, si le récit de
Duval est préfacé par le philosophe Alexandre Jollien, qui trouve dans l'auteur
un complice et un frère en pérégrinations.
Quelle route et quel jardin ?
Bien qu'il s'y réfère rarement, Duval, en bon écrivain
protestant, est marqué dans sa chair par les paraboles bibliques. La vie est
un chemin, dit l'Évangile, une route même, et Duval l'a arpentée dans tous
les sens.
Arrivé près du terme du voyage, il se retourne, jette un regard
rétrospectif (et amusé) sur sa vie et essaie de comprendre chacune des étapes
de son parcours. Il passe ainsi au crible les âges de la vie, de l'enfance
impatiente (l'enfant passe son temps à courir, puis on lui ordonne de s'asseoir
!), à l'âge d'exister (où se posent les grandes questions de l'identité et de
notre place dans le monde), jusqu'à cette interrogation finale et essentielle :
comment mourir ?
Dans une suite de textes brefs et intenses, qui montrent
l'étendue de sa palette (journalistique et philosophique), Duval nous livre
beaucoup de lui-même. Bien sûr, en le lisant, on pense à Sénèque (De la
brièveté de la vie), à Montaigne, à Amiel, mais Duval y ajoute constamment
son grain de sel et fait de son récit une sorte de guide de voyage qui aide à
affronter le tragique de l'existence. Chacun va son chemin, mais le chemin de
chacun est unique. Celui de Duval est fait de rencontres, de surprises (bonnes
et mauvaises), de voyages, de lectures, de découvertes, de réflexions sur la
condition de l'homme — ce passant égaré sur la terre.
Et le jardin ?
Il y en a plusieurs dans le livre de Duval. Ils sont tous
merveilleux et évoquent avec beaucoup de poésie la dernière escale, juste avant
(ou juste après) le grand saut. C'est là que l'écrivain, certaines nuits,
retrouve en rêve le fantôme de son père, à qui il a l'impression d'« avoir tout
dit » (mais a-t-on jamais tout dit à son père ?) C'est aussi la nature où
s'ébroue son chien, rendu fou par les premiers rayons de soleil du printemps.
C'est le fantasme d'être réincarné en écureuil, en crocodile ou en serpent
(version zen). C'est enfin le jardin, pas forcément paradisiaque, qui attend
l'écrivain (et chacun de ses lecteurs) dans l'après-vie, une fois arrivé au
bout de la route.
Le récit de Duval s'achève sur l'évocation d'un
clochard rencontré à Genève (frère des clochards sublimes de
Bukowski) qui a élu domicile dans une cabane à la lisière d'un bois. Quand
l'écrivain veut le revoir, catastrophe : la cabane est partie en cendres. Et
son locataire est au paradis des clochards. Sans doute dans un jardin plus
vaste où il n'a pas à quémander sa nourriture pour survivre…
Le narrateur poursuit sa promenade : il n'est pas encore arrivé
au terme du voyage.
* Jean-François
Duval, Bref aperçu des âges de la vie, récit, Michalon, 2017.
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