Qui ne voudrait se voir consacrer un article par Marie Céhère ? Mon nouveau livre, Bref aperçu des âges de la vie, a ce joli privilège. Photo : l’auteur avec la chroniqueuse de Causeur.
1. Qu’il vaut
mieux dire la fin des choses avec poésie que sans poésie, ou ne pas la dire du
tout. Il en va ainsi de l’expression « prendre sa retraite »,
qui évoque à tort un épisode douloureux de la campagne de Russie, et que l’on
devrait rebaptiser « prendre le large », « larguer les
amarres » ou encore « envoyer balader la bande d’abrutis avec
laquelle je ne partagerai plus la pause café ».
La première chose
dont Jean-François Duval acte la fin, la fin définitive, c’est cette période
magique de la petite enfance où nous ne pouvons nous déplacer autrement qu’en
courant – et en chutant avec panache. Lorsque nous adoptons le pas lent des
grandes personnes, c’en est fini. Nous sommes bons pour ne plus courir qu’après
les bus et les années.
2. Que
l’indépendance est d’abord un goût : framboise, pistache, noisette, citron,
dans un cône glacé. Godard affirme que les deux âges les plus réels de la vie
sont la jeunesse et la vieillesse. Le reste est superficiel, du temps pressé
comme un agrume, gâché.
3. Que nous
sommes les semblables des saumons, tout en nous ignorant les uns les autres :
nous évoluons par mutations, par ruptures successives, suivant un trajet
étrange, incroyablement ardu, pour revenir au point de départ. En y faisant
bien attention, il n’est même pas nécessaire de mourir pour se réincarner.
4. Qu’on ne
cesse jamais de faire de l’auto-stop, même si l’époque en est révolue, même si
l’on n’en a aucune envie. L’auteur s’y est essayé, la soixantaine passée :
« J’avais autant de chance qu’une jeune fille en mini short. »
Peut-être même plus, parce qu’il est ressorti vivant du charitable véhicule.
L’auto-stop, si l’on a de la chance, fait battre le cœur aussi fort que lors
d’un slow avec un(e) inconnu(e).
5. Que les
chiens ont toujours quelque chose de passionnant à nous apprendre. « Ce
qui justifie l’âge adulte, c’est l’esprit d’entreprise ». En
l’occurrence, Duval entreprend d’enseigner le français à son chien, pour lui
expliquer qu’il n’y a rien à craindre du tonnerre et qu’il faut être poli avec
les chats. D’ailleurs, si l’on veut savoir vraiment comment on se porte, il
suffit de se demander, avant de s’endormir, si l’on a vraiment hâte d’être au
lendemain. D’ouvrir le journal comme le chien renifle la pelouse encore humide
de rosée. Bref, si l’on a hâte de mourir. Une attitude très saine.
6. Que « le
vertige est ce qu’il y a de plus assuré ». Dans la vie comme dans la
pratique de l’escalade.
7. Qu’avoir
honte de son attachement aux objets, si celui-ci persiste au-delà de l’âge de
quatre ans, est une idée aussi démodée que la philosophie de Sartre.
8. Que piloter
une tondeuse ou manier un sécateur électrique n’a aucun rapport avec
l’injonction voltairienne de cultiver son jardin.
9. Que lorsqu’un
œuf nous échappe des mains, il est beaucoup plus rassurant de le voir s’écraser
au sol que rebondir sous son nez. Les faits, en général, même s’ils nous
obligent à passer la serpillère, sont irremplaçables.
10. Que le
Madison ne s’est jamais démodé, et ne se démodera jamais. Il est déjà trop
vieux pour ça.
11. Que « la
mémoire est un plat de spaghettis à démêler tôt et à consommer chaud »,
d’où l’importance de connaître et reconnaître comme tel le « meilleur
chanteur italien de tous les temps », Peppino di Capri.
12. Que les
filles au teint de pêche sont une espèce en voie de disparition, dévorées par
les filles au teint de peche, de peiche, de paiche, etc.
13. Un avantage
de la vieillesse : ne pas envier Alain Delon, ni personne d’autre, lorsqu’il
déclare dans les journaux « j’ai tout eu » : on peut toujours
lui rétorquer « moi, j’ai tout été ».
14. Que le fin
mot de l’histoire nous revient toujours. Mais qu’être réincarné en écureuil
peut être une perspective réjouissante.
15. Que ce Bref
aperçu contient plus de sagesse et de drôlerie que bien des livres et des
discours se voulant sages et drôles.
Marie Céhère
Jean-François
Duval, Bref aperçu des âges de la vie. Paris, Michalon, 238 pages. En
librairie.
Que tout cela est pertinent et vrai ! On ne perd jamais à fréquenter les amis de Jaccard ! Et de Buk bien sûr..
RépondreSupprimerMerci de votre réaction, Luc-Antoine !
RépondreSupprimerJ'avis beaucoup aimé Buk & les Beats ! Nous avons des passions communes...
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