jeudi 29 janvier 2015

Bukowski poète, ensorcelé à New York (inédit)

ensorcelé à New York

la dame était la plus infidèle et la plus horrible que j’aie
jamais rencontrée je le savais et elle le savait elle était
à la fois laide et belle en même temps et les
deux qu’elle était
étaient assises sur le rebord de
la fenêtre ouverte de cet hôtel
de New York par
l’une des journées les plus chaudes de tous les temps, pas
de climatisation, pas de ventilateur, on suait et
souffrait en attendant que quelque chose
se passe.

j’étais soûl, elle était droguée, on venait juste
de conclure un brin de copulation
glissante et après elle a dit « espèce de fils de
pute, on est coincés ici en enfer ! »

« bon, » j’ai dit.

puis je l’ai vue tomber par la fenêtre, on
était au troisième étage, j’ai entendu le cri,
son corps avait disparu.

puis il était de retour, elle était assise sur
le rebord de la fenêtre à nouveau. « t’as vu ça ? » elle
m’a demandé. « je suis tombée par la fenêtre ! »

« bon, » j’ai dit.

«  mais je sais pas comment je me suis rehissée ! » elle a
dit.

« bon, » j’ai dit.

« c’est tout ce que tu trouves à dire ? » elle m’a demandé.
« bon » ? »

« je peux te dire que je te crois une sorcière ou une diablesse
et que ton numéro de maintenant à la fenêtre vient de le
prouver. »

j’ai senti qu’en tombant par la fenêtre elle m’avait remonté le
moral puis qu’elle me l’avait délibérément
détruit en regrimpant
dedans.

« alors je suis une sorcière ou une diablesse, hein ? ma foi, plus de partie de
cul pour toi ! »

« bon, » j’ai dit.

parfois on vit et on reste avec une femme sans savoir
vraiment pourquoi.

avec elle je le savais : c’était les simples, fascinants,
incessants mystère et terreur de
son moi.



Copyright Yves Sarda pour la traduction française 

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