dimanche 1 février 2015

Bukowski poète, toi l'homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi

toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi

je te regarde avancer avec ta machine.
ah tu es trop idiot pour être taillé comme l’herbe,
tu es trop idiot pour laisser quoi que ce soit te faire violence –
les filles n’emploieront pas leurs couteaux sur toi
elles n’en ont pas envie
leur tranchant c’est peine perdue pour toi,
tu t’intéresses qu’aux matchs de base-ball aux
westerns et aux tiges d’herbe.

tu peux pas prendre l’un de mes couteaux ?
en voilà un vieux – planté en moi en 1955,
elle est morte maintenant, ça me ferait pas trop mal.
j’peux pas te donner ce dernier là –
j’peux pas encore le retirer,
mais en voici un de 1964, qu’est-ce que tu dirais de me prendre
celui de 1964 ?

toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
t’as pas quelque part dans le bide un couteau
que l’amour y a laissé ?

toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
t’as pas quelque part au profond du cœur un couteau
que l’amour y a laissé ?

toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
tu vois pas les jeunes filles qui marchent sur le trottoir en ce moment
avec des couteaux dans leurs sacs ?
tu vois pas leurs beaux yeux, belles robes et
chevelures ?
tu vois pas leurs beaux culs, genoux et belles
chevilles ?

toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
c’est tout ce que tu vois – ces tiges d’herbe
c’est tout ce que tu entends  - le bourdonnement de la tondeuse ?

je vois d’ici jusqu’à l’Italie
                          au Japon
                          au Honduras
je vois d’ici les jeunes filles aiguiser leurs couteaux
le matin à midi et le soir, et
surtout le soir, ô,
surtout le soir.



Copyright Yves Sarda pour la traduction française 

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