samedi 7 février 2015

Bukowski poète, mon fidèle serviteur indien (inédit)

mon fidèle serviteur indien

j’ai tendu la main pour allumer
la lumière, la lumière était déjà
allumée. j’étais en piteux état. « Hudnuck ! »
j’ai braillé à mon fidèle serviteur
indien. « baise mes couilles, » il m’a répondu.
dans la pénombre
je l’ai vu sur le canapé avec
ma femme. je suis sorti
et j’ai soufflé dans mon clairon.
3 chameaux ont répondu à mon appel, et sont arrivés
en courant à travers le jardin.
« Hudnuck ! » j’ai braillé.
« doucement les basses, papa, » il m’a répondu,
« tant que j’ai pas fini. »
j’ai soufflé dans mon clairon, rien ne s’est passé,
il était plein de salive et
de larmes.
Hudnuck est sorti sur la
véranda, en remontant sa fermeture-Éclair.
« je veux une augmentation, » il m’a dit,
« je travaille pour rien. »
« et moi, je vis pour rien, Hud :
tu ne comprends pas que
je suis un homme brisé ? »
« parle pas comme ça, » il m’a dit,
« tu as une jolie femme. »
ma femme est sortie sur la
véranda. « qu’est-ce que tu prends
au petit déjeuner, mon chéri ? » elle
a demandé.
« des œufs au bacon. » j’ai répondu.
« pas toi, imbécile ! » elle m’a fait d’un ton brusque.
« entrecôte et saucisse de foie » a dit
Hudnuck.
« merci, mon chéri, » a dit ma jolie
femme, revenant dans notre
nid.
j’ai soufflé dans mon clairon. un corbeau a répondu.
Hudnuck m’a arraché le clairon
des mains. il l’a essuyé
sur le plastron de ma plus belle
chemise. (il la
portait.)
il a joué « Hearts and Flowers »
sur cette saleté de truc. des larmes
ont empli mes yeux.
j’ai décidé de lui donner une
augmentation. en jetant un coup d’œil, je l’ai vu
tordre mon clairon
en forme de croix tout en
sifflant « It Ain’t Gonna
Rain No More. »

il avait des mains fortes, sensibles,
belles. j’ai baissé les yeux sur les miennes.
d’abord, je n’ai pas réussi à les trouver. puis rapidement
je les ai sorties de mes poches
et je l’ai
applaudi.

Copyright Yves Sarda pour la traduction française




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