toi l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
je
te regarde avancer avec ta machine.
ah
tu es trop idiot pour être taillé comme l’herbe,
tu
es trop idiot pour laisser quoi que ce soit te faire violence –
les
filles n’emploieront pas leurs couteaux sur toi
elles
n’en ont pas envie
leur
tranchant c’est peine perdue pour toi,
tu
t’intéresses qu’aux matchs de base-ball aux
westerns
et aux tiges d’herbe.
tu
peux pas prendre l’un de mes couteaux ?
en
voilà un vieux – planté en moi en 1955,
elle
est morte maintenant, ça me ferait pas trop mal.
j’peux
pas te donner ce dernier là –
j’peux
pas encore le retirer,
mais
en voici un de 1964, qu’est-ce que tu dirais de me prendre
celui
de 1964 ?
toi
l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
t’as
pas quelque part dans le bide un couteau
que
l’amour y a laissé ?
toi
l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
t’as
pas quelque part au profond du cœur un couteau
que
l’amour y a laissé ?
toi
l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
tu
vois pas les jeunes filles qui marchent sur le trottoir en ce moment
avec
des couteaux dans leurs sacs ?
tu
vois pas leurs beaux yeux, belles robes et
chevelures ?
tu
vois pas leurs beaux culs, genoux et belles
chevilles ?
toi
l’homme qui tonds ta pelouse en face de chez moi
c’est
tout ce que tu vois – ces tiges d’herbe
c’est
tout ce que tu entends - le bourdonnement de la tondeuse ?
je
vois d’ici jusqu’à l’Italie
au Japon
au Honduras
je
vois d’ici les jeunes filles aiguiser leurs couteaux
le
matin à midi et le soir, et
surtout
le soir, ô,
surtout
le soir.
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