lundi 12 mai 2014

Bukowski poète: «sans rêve aucun»


sans rêve aucun

de vieilles serveuses à cheveux gris
dans les cafés la nuit
y ont renoncé,
et pendant que je marche sur des trottoirs de
lumière et regarde par les fenêtres
des maisons de retraite
je vois qu’il n’est plus
avec eux.
je vois des gens assis sur un banc dans les parcs
et je vois à leur façon d’être
assis ou de regarder
qu’il s’en est allé.

je vois des gens conduire des voitures
et je vois à la façon
dont ils conduisent leurs voitures
qu’ils n’aiment pas ni ne sont pas
aimés –
pas plus qu’ils n’envisagent
de baiser, tout est oublié
comme dans un vieux film.

je vois des gens dans les grands magasins et
les supermarchés
arpentant les travées
achetant des trucs
et je vois à leur façon de s’habiller
n’importe comment et à leur façon de marcher
à leurs visages et à leurs yeux
qu’ils ne tiennent à rien
et que rien ne tient
à eux.

je vois une centaine de personnes par jour
qui ont renoncé
entièrement.
si je me rends au champ de courses
ou à un événement sportif
j’en vois des milliers
qui ne plaignent rien ni
personne
et qui ne sont pas plaints
en retour.

partout j’en vois qui
ne sont avides de rien sauf
de nourriture, d’un abri et
de vêtements ; ils se concentrent
là-dessus,
sans rêve aucun.

je ne comprends pas pourquoi ces gens-là ne
disparaissent pas
je ne comprends pas pourquoi ces gens-là n’
expirent pas
pourquoi les nuages
ne les assassinent pas
ni pourquoi les chiens
ne les assassinent pas
ni pourquoi les fleurs et les enfants
ne les assassinent pas,
je ne comprends pas.

je suppose qu’ils sont assassinés
pourtant je ne peux pas m’adapter au
fait qu’ils existent
parce qu’ils sont si
nombreux.

chaque jour,
chaque nuit,
il y en a davantage
dans le métro les
immeubles et
dans les parcs.

ils n’éprouvent aucune terreur
de ne pas aimer
ni de ne pas
être aimés
tant et tant et tant
de mes semblables
mes frères.

Copyright Yves Sarda pour la traduction française

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