mardi 14 avril 2015

Bukowski poète, 3 heures 16 et demie... (inédit)

3 heures 16 et demie…

voilà, je suis censé être un grand poète
et je somnole dans l’après-midi
voilà, j’ai conscience que la mort comme un taureau géant
est en train de me charger
et je somnole dans l’après-midi
voilà, j’ai conscience des guerres et des hommes qui se battent sur le ring
et j’ai conscience de la bonne bouffe, du vin et des femmes bonnes
et je somnole dans l’après-midi,
incliné au soleil derrière un rideau jaune
je me demande où s’en sont allées les mouches de l’été
je me rappelle la mort très sanglante d’Hemingway
et je somnole dans l’après-midi.

un de ces jours je ne somnolerai pas dans l’après-midi
un de ces jours j’écrirai un poème qui fera des volcans
des collines là-bas
mais en ce moment je somnole dans l’après-midi
et quelqu’un me demande, «  Bukowski, quelle heure est-il ? »
et je réponds, « 3 heures 16 et demie. »
je me sens très coupable, je me sens exécrable, inutile,
dément, je me sens
somnolent dans l’après-midi,
ils bombardent des églises, o.k., c’est o.k.,
les bibliothèques sont pleines de milliers de livres de savoir,
de la grande musique siège dans la radio proche
et je somnole dans l’après-midi,
j’ai cette tombe à l’intérieur de moi qui me dit,
ah, laisse faire les autres, laisse-les gagner,
laisse-moi dormir,
la sagesse est dans l’obscurité
donnant dans l’obscurité de grands coups de balai,
je m’en vais où les mouches de l’été s’en sont allées,
qu’on essaie de m’attraper.

Copyright Yves Sarda pour la traduction française




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