lundi 13 avril 2015

Bukowski poète, dernier tabouret au bout

dernier tabouret au bout

j’examine toujours le bois du
bar, son grain, les éraflures, les
brûlures de cigarette.
Il y a quelque chose là mais je
n’arrive pas tout à fait à comprendre ce que
c’est
et ça me fait continuer sur ma lancée.

un autre truc, c’est de regarder ma
main autour du
verre.
il y a quelque chose dans le fait d’avoir
sa main autour
d’un verre qui est gentiment
fascinant.

Et, bien entendu, il y a ce truc-ci :
tous ceux qui se saoulent le font :
avec l’ongle du pouce lentement
on arrache l’étiquette
d’une bouteille de bière qui a
trempé dans l’eau glacée.

fumer des cigarettes est une bonne façon d’assurer
aussi, en particulier aux heures du tout petit
matin avec les stores vénitiens
dans son dos,
la fumée monte en volutes et forme ses
motifs divergents.
ça te donne un sentiment de
paix
et ça vraiment, ça encore plus,
si l’une de tes vieilles chansons
préférées
émane du
juke-box.
et si le barman est vieux
et un peu fatigué et un tout petit peu
sage
c’est bon de voir où il
est ou ce qu’il fait –
laver les verres ou s’appuyer
contre le comptoir ou
s’en jeter un petit
en douce
et quoi qu’il fasse
c’est toujours sympa rien
que de le voir un peu,
de constater qu’il a sa chemise
blanche.
la chemise blanche est une
toile de fond importante à
qui et avec qui
boit.

on écoute aussi la
circulation qui passe,
voiture après voiture.
ce n’est pas une écoute
délibérée – plutôt spon
ta
née.
et c’est au mieux quand
il a plu
et qu’on peut entendre les
pneus sur la
rue mouillée.

le bar est le meilleur
endroit où se cacher.
le temps tombe sous
ton contrôle, du temps pour
patauger, du temps où on ne fait
rien.
on n’a besoin d’aucun gourou,
d’aucun dieu.

rien à attendre
que soi-même
et rien de perdu
pour l’
inattendu.

 Copyright Yves Sarda pour la traduction française


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