mercredi 16 septembre 2015

Bukowski poète, les années 30

les années 30


lieux où chasser
lieux où se cacher sont
de plus en plus difficiles à trouver, canaris
et poissons rouges de compagnie aussi, vous avez
remarqué ?
je me souviens quand les salles de billard étaient des salles de billard
pas de simples tables dans
des bars ;
et je me souviens quand les femmes du voisinage
faisaient cuire à la casserole du ragoût de bœuf pour leurs
maris au chômage
quand leurs ventres étaient malades de
peur ;
et je me souviens quand les gamins regardaient la pluie
pendant des heures et
se battaient jusqu'au bout pour un rat
apprivoisé ; et
je me souviens quand les boxeurs étaient tous Juifs et Irlandais
et ne vous donnaient jamais un
mauvais combat ; et quand les biplans volaient si bas qu’on
pouvait apercevoir le visage du pilote et ses lunettes rondes ;
et quand un esquimau glacé sur dix avait un bon gratuit à l’inté
rieur et quand pour 3 cents on pouvait acheter assez de bonbons
pour se rendre malade
ou tenir tout un
après-midi ; et quand les gens du quartier élevaient
des poulets dans leurs jardins ; et quand on bourrait une auto
miniature à 5 cents de
cire de bougie pour la faire durer
pour toujours ; et quand on construisait nos propres cerfs-volants et scooters ;
et je me rappelle
quand nos parents se disputaient
(on pouvait les entendre à plusieurs rues de distance)
ils se disputaient pendant des heures, se lançant des injures sanglantes et mortelles
et les flics ne venaient
jamais.

 lieux où chasser lieux où se cacher,
on n’en trouve plus à la
ronde. je me rappelle qu’un
 terrain sur quatre était vague et en broussaille, et que le propriétaire
touchait le loyer
seulement quand on
pouvait payer, et que chaque jour était clair et bon et chaque instant
plein de promesse.

Copyright Yves Sarda pour la traduction française



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