mercredi 24 février 2016

Bukowski poète, Eddie et Eve

eddie et eve


vous voyez
j’ai été vissé au même tabouret de bar à Philadelphie pendant
5 ans

je buvais du mauvais alcool et le vin le moins cher
je me faisais tabasser dans les ruelles par des camionneurs bien nourris
pour l’amusement des
dames et messieurs de la nuit

je ne vous raconterai pas ma vie d’enfant
c’est trop écœurant
irréel

non ce que je veux dire
j’ai fini par aller voir mon ami Eddie
au bout de 30 ans

il habitait toujours la même maison
avec la même femme
vous avez deviné :
il avait l’air plus mal en point que moi

il ne pouvait plus quitter son fauteuil

une canne
l’arthrite

le peu de cheveux qu’il avait étaient
blancs

mon dieu, Eddie, je lui ai dit.

je sais, il m’a dit, j’en ai marre, je
peux plus respirer.

alors sa femme est apparue. l’Eve autrefois
mince que je draguais.

105 kilos
qui me regardaient les yeux mi-clos.

mon dieu, Eve, je lui ai dit.
je sais, elle m’a dit.

on s’est soûlés ensemble. ce fut plusieurs heures après
qu’Eddie m’a dit,
va au lit avec elle, fais-lui du bien,
je peux plus lui faire du bien plus
du tout.

Eve a pouffé.

j’peux pas, Eddie, tu es mon
pote.

on s’est remis à boire.
des litres de bière
à l’infini.

Eddie a commencé à vomir.
Eve lui a apporté une bassine
et il a vomi dans la
bassine
me disant entre deux spasmes
qu’on était des mecs
de vrais mecs
on savait de quoi il retournait
parbleu
ces jeunes vauriens
non.

on l’a emmené jusqu’au lit
déshabillé
et il a été bientôt K.O.,
ronflant.

j’ai dit au revoir à Eve
je suis sorti et monté dans ma voiture
suis resté là assis à fixer la maison.
puis j’ai démarré et suis parti.
c’était tout ce qu’il me restait à faire.

Copyright Yves Sarda pour la traduction française



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